Je ne suis que mort et souffrance, ne m'approche pas... [Kumori]

Tu vas me tuer... et alors ? Crois-tu réellement que tu te sentiras vainqueur, face à moi qui suis si faible ? Tu auras beau gagner, il arrivera un jour où tu tomberas, crois-moi, sur quelqu'un de plus puissant que toi. Et au final... tu perdras, je te l'assure... Tu ne seras rien d'autre qu'un pauvre... Pauvre perdant...

Les yeux mi-clos, un jeune garçon aux cheveux bruns et aux yeux vairrons, l'un bleu, l'autre vert, contemplait le ciel. Couché dans l'herbe humide, blessé, une plaie béante dans le ventre, il écoutait le doux chant des oiseaux, le bruissement du vent. Tourmenté, accablé, désemparé, il ne savait plus quoi penser, aussi écoutait-il les bruits de la forêt autour de lui. Quelques phrases tournaient dans sa tête, telles une douce mélodie.

Tu auras beau gagner, il arrivera un jour où tu tomberas, crois-moi, sur quelqu'un de plus puissant que toi. Et au final... tu perdras...

Il sourit. Son visage se crispa sous l'effet de la douleur quand il essaya de faire un mouvement. La lance qui lui avait percé le ventre avait disparut. Son opposant avait disparu. La jeune fille qui ne cessait d'hanter ses sombres pensées avait disparue. Il était seul.
Il avait tout perdu. Sa raison de vivre. Sa vivacité d'autrefois. Car oui, il n'était plus le même, il n'était plus le meurtrier qu'il était avant. Il ne faisait qu'enchaîner défaites sur défaites, blessures sur blessures, et il finissait toujours par se retrouver seul. Tellement seul...
D'aussi loin qu'il arrivait à se souvenir, il avait toujours été seul. Mais, aussitôt cette réflexion faite, il se crispa, sa main valide empoignant avec force une touffe d'herbe. Non, il n'avait pas toujours été seul. Mais c'était lui qui avait mis fin à ce rêve.

En réalité, rester étendu sur le sol au bord de la mort n'était pas si désagréable. Il avait enfin l'occasion de mettre ses idées au clair. Mais que penser ? Qu'il était fou ? Qu'il était malheureux ? Qu'il n'était... qu'un meurtrier ? Il serra les dents. Finalement, repenser au pourquoi nous sommes sur le point de mourir était atroce. Il était à terre parce qu'il avait toujours été égoïste, sans pitié, sans sentiments. Il aurait voulu crirer de rage. Mais sa douleur était trop grande, et sa voix s'était éteinte. Il en arriva alors à une seule et unique conclusion. La véritable raison pour laquelle il méritait de mourir. Il était détestable. Les gens le détestaient. Lui-même se détestait.

*M... merde... Merde !*

Plus que jamais, il avait besoin de crier. Faire ressortir sa douleur. Sa respiration s'était accelerée, il avait de plus en plus mal. Mais il voulait se remettre debout. Dans un ultime effort, il parvint à redresser son buste et à se mettre en position assise. Il se traina jusqu'à un gros arbre, et s'adossa au tronc. Il posa son bras cassé sur ses genoux, et crispa son autre main sur son ventre dans l'espoir d'arrêter l'hémoragie. Sa vue se troubla. Il sut que c'était fini. Il reposa sa tête contre le bois, respira calmement, et ferma les yeux...

Les ombres commençaient à prendre possession de son univers. La noirceur des ténèbres s'amplifiait lentement...tellement lentement. Et elle avançait. Ses pas étaient lourd, sa respiration lente,aussi courbait-elle le dos de telle manière que l'on aurait pu la prendre pour un Mo ou encore pour un mort vivant. Elle se sentait mal, tellement mal. Pourquoi n'avait-elle donc pas le droit de mettre fin à ses souffrances ? Mais quelle question...parce qu'elle l'avait promis, biensûr. Elle avait fait cette promesse pour celui qu'elle aimait profondément depuis des années de cela. Elle devait absolument rester en vie, pour lui, pour Hikari.

Tentez donc l'expérience, si l'idée vous ravie, mais il n'y a rien de pire pour quelqu'un que d'aimer une personne qui ne vous aime pas en retour. Ou encore que cette personne vous considère plus comme un frère ou une soeur qu'autre chose.

Au bout du compte, elle ne savait même plus où elle allait. Mais l'avait-elle seulement déjà su une fois dans sa vie ?

C'est là, dans un coin sombre et enfoui de la Forêt Noire, qu'elle le trouva...immobile, et blanc comme la mort. Le voir fit naitre en elle une étrange sensation...que jamais elle n'avait ressentie par le passé. Depuis toujours, c'était elle qui avait été la plus misérable, la plus triste, la plus malheureuse...Mais pour une fois, oui, pour une fois qu'elle se rendait compte qu'il y avait devant ses yeux quelqu'un qui avait l'air de souffrir encore plus qu'elle...

C'était un sentiment étrange, une espèce de bonheur melé à...ce que l'on ressent lors qu'un besoin vital est accompli. Elle savait, tout au fond d'elle-même, que voir une personne souffrante lui permettait de la rassurer, et de lui faire oublier ses soucis. Parce qu'elle ne pouvait elle-même se faire du mal, elle se plaisait à essayer de se mettre à la place de ce jeune homme aux cheveux bruns. Et imaginer une douleur pareille lui parcourant le corps, ne pouvait que la combler entièrement. (Car, rappellons-le, Kumori aime se faire du mal physiquement ce sont les douleurs morales qu'elle ne supporte pas).

L'Ange restait là, sans bouger, à l'observer attentivement. Et elle aurait pu rester ainsi éternellement

Sentir une présence près de lui n'était pas très rassurant à ce moment. Juste au moment où il se sentait le plus pénible, le plus pitoyable, quelqu'un se tenait là, devant lui, et le fixait. Mais il n'avait plus même la force d'ouvrir les yeux pour appercevoir une queconque silhouette. Alors, attendant patiemment sa dernière heure arriver, il se surprit s'amuser à imaginer à quoi ressemblait cette personne.
Était-elle grande ou petite ? Fine ou corpulente ? Était-elle heureuse, était-elle triste ? Était-elle douce, cruelle ou stupide ? Il ne s'était jamais posé ces questions. Il avait tué des centaines et des centaines de gens sans se soucier une fois seulement de qui elle était, de la vie qu'elle avait mené avant de succomber. Il frissona. Il se sentait stupide, à douter de ses actes. Lui qui était probablement en train de vivre ses derniers instant, il doutait de sa propre vie ! Cela revenait à mourir malheureux, et il ne voulait pas de ça.
Soudain, les yeux toujours fermés, il ressentit la personne devant lui faire un pas. L'air qui s'en soulevait, les vibrations produites par son poids, le bruit de son pieds se posant au sol... Cette personne n'était ni grosse, ni musclée. C'était une femme. Petite ? Grande ? Il ne saurait le dire. Il n'était pas aveugle, lui, pas comme elle. Il n'avait jamais eu besoin de se reposer sur ses autres sens.

-... Qui... Que fais-tu là ?

Il essayait d'ouvrir les yeux, mais malgré ces efforts, il n'y parvint pas. Il était trop faible. Chaque fois que le mot "faible" s'inscrivait dans sa tête, il était automatiquement suivit par "pitoyable" ou "regrettable". Il se crispa, et laissa s'échapper un gémissement de douleur. Il parvint malgré tout à harticuler quelque mots.

-Jeune fille... Je ne suis que mort et souffrance, ne m'approche pas...

Son ton était tellement las et pénible qu'il inspirait presque la pitié. Ce qu'il ne souhaitait nullement. Il ne souhaitait qu'une chose : disparaître soudain de la surface du monde...

Elle s'était assise à même le sol et continuait toujours à le regarder. Dieu comme il avait l'air de souffrir, le pauvre...Au bout de quelques minutes, n'en pouvant plus de ce silence de mort, le Yauwn lui cria de se montrer, de ne plus rester cachée dans son dos. Alors elle se leva et se plaça en face de lui. Son corps était raide et son visage était comme d'habitude, complètement vide d'expression.

-...ne crois surtout pas...que je me moque de toi...avait-elle commencé d'une voix faible. Au contraire...je t'admire...

Elle pouvait parfaitement accepter qu'il la prenne pour une folle, ou qu'il ne la comprenne tout simplement pas, car après tout, c'est bien ce qu'elle était; folle et incomprise de tous.
Voyant qu'il semblait se calmer, elle s'approcha de lui, le regard éternellement perdu et se mit à déchirer la manche de sa robe. Elle fit de ce morceau de tissus, un bandage à ce jeune homme qu'elle commençait à trouver bien fassinant. À plusieurs reprises, l'étranger l'avait repoussée, sans doutes pensant qu'il n'avait aucunement besoin d'aide de la part d'une telle personne. Mais pour la première fois de sa vie, Kumori tenait vraiment à rendre ce service à cette personne, car elle avait le pressentiment qu'il aurait le moyen de soulager ses peines.

Quand son travail fut achevé, elle se releva et s'éloigna de quelques pas. Sa robe qui était encore complètement blanche un peu plus tôt, était à présent salie de sang et ses cheveux étaient un peu décoiffés. Mais elle s'en rendait pas compte. D'ailleurs, depuis toujours, elle n'avais jamais remarqué ce qu'il se passait juste devant ses yeux. À nouveau immobile, elle attendait. Elle attandait que quelque chose se passe. Comme si elle se trouvait devant une pièce de théâtre.

Cette personne était peut être imprudente, inconsciente, folle de rester auprès de lui, mais Kay ne pensait plus à rien. Plus à la tuer, à la faire souffrir. Non, rien de tout cela, car... elle venait de l'aider. Il entrouvrit les yeux, qu'il n'avait plus eu la force de laisser ouverts, et son regard s'arrêta immédiatement sur son bras bandé. Même s'il l'avait senti faire le bandage, même s'il l'avait entendu déchirer un tissu, son esprit était tellement ailleurs qu'il n'avait même pas fait attention à ce qu'elle faisait. Il avait enregistré sans remarquer. C'était... la première fois que quelqu'un lui venait en aide, et il n'y avait même pas fait attention.

La première fois...

Le jeune garçon ferma les yeux et se crispa, puis, alors qu'il était à moitié étendu sur le sol, la tête contre le tronc de l'arbre, il tenta de se retresser. Il eut mal, très mal. Mais bizarrement, le plus gros de la douleur était passé. Il n'y avait plus la solitude.
Haletant, le dos appuyé contre l'arbre, il tenta de lever les yeux vers la jeune fille afin d'enfin appercevoir son visage. Mais ce n'est qu'un mélange de couleurs floues qu'il entre-apperçut entre ses yeux mi-clos.

-Laisse-moi, imprudente...

Il parlait sur un ton de reproche, comme si elle l'ennuyait et le dérangeait. Il était trop orgueilleux pour s'avouer que sa présence le soulageait. Il ne voulait pas d'aide. Il voulait s'en sortir seul, comme il avait toujours fait. Ou alors, il voulait se punir de sa faiblesse et de ses actes. Il ne voulait pas d'aide...

Un long et étrange silence prit possession des environs. Personne ne bougeait et la situation devenait désagréable, jusqu'à ce qu'elle se lève.

- D'accord...

Et c'est en marchant comme un zombie qu'elle se recula de plusieurs mètres pour enfin se retourner à nouveau dans la direction du jeune homme. En la voyant obéir à ses moindres paroles, Kay ne put s'empêcher de rire intérieurement. C'est qu'elle avait un côté très innocent qui ne le laissait pas indifférent.
Sans la moindre galanterie, il lui demanda comment elle s'appelait, et elle lui répondit. Kumori ne bougeait plus, et elle faisait cela si bien qu'elle aurait facilement pu gagner un concours d'imitation de statues. Et apparamment, ce côté de sa personnalité plaisait, ou plutôt, n'embêtait pas, le Démon. C'est ainsi qu'il la laissa s'approcher de lui, et finir de le soigner.

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Le lendemain matin, grâce à la magie de Kumori, Kay avait déjà assez de force pour pouvoir se déplacer, mais pas encore pour se battre. L'Ange n'avait pas cessé de regarder les blessures qu'on lui avait infligées, fascinée, ne se rendant même pas compte à quel point cela pouvait être énervant.

- ...Dis...où vas-tu ? Avait-elle dit sans même le regarder.

C'était ce qu'elle s'était demandée depuis le début à vrai dire. Cette personne était si particulière qu'elle nourrissait l'envie de la suivre où qu'elle aille.

Kay ricanna. Cette fille était vraiment particulière. Elle était bizarre, certes, mais elle n'était pas la seule. Elle était... tellement naïve. Elle venait de sauver la vie à un meurtrier, et demandait à présent à l'accompagner. Et elle se tenait là, devant lui, totalement à sa merci. Le Démon lui sourit, de son sourire malsain habituel, et s'approcha d'elle d'un air nonchalant jusqu'à se retrouver juste derrière son dos. Il lui chuchota doucement quelque mots à l'oreille sur un ton guilleret.

-Merci beaucoup ma belle, maintenant, c'est à moi de te récompenser !

D'un mouvement vif, il saisit un couteau qu'il avait gardé sur lui et le passa sous la gorge de la jeune fille. Elle n'eut aucune réaction apparente, probablement sous le choc. Il ricana à nouveau, faisait pression sur le cou de l'Ange, prêt à l'égorger. Il n'avait plus rien à tirer de sa présence, désormais il allait assez bien pour s'en sortir tout seul. Ses muscles avaient retrouvé un peu de force, et sa vue était nettement moins trouble qu'avant. Malgré tout, il tardait à la tuer... Sa main ne bougeait plus, comme si une force invisible la retenait, il commença même à trembler légèrement. Que lui arrivait-il ? Pourquoi ne la tuait-il pas tout de suite ? Lui avait-elle lancé un maléfice ? Non...

C'était plus que cela. Il ne pouvait pas la tuer. Cette jeune fille avait l'air tellement malheureuse, tellement désespérée, qu'elle était déjà morte. Et Kay ne tuait que les personnes qui étaient encore habitées par la vie, sinon le meurtre ne lui procurait rien. C'est insensé de penser ça, mais le Démon détestait tuer pour rien.
De plus, elle ne parlait pas, comme si elle l'insitait à l'achever. Il ne pourrait pas. Il la relâcha, la poussant brusquement en avant et s'éloigna d'elle, s'appuyant à un autre arbre. Elle était vraiment particulière. C'était la seule personne au monde qu'il ne tuerait pas, et elle n'était même pas celle qui avait le plus compté à ses yeux...