La masure abandonnée

Il errait dans cette forêt sans but et sans chemin. Il dans cette forêt mais quelque chose avait changé. Mais quoi ?

-Dis, grand-frère…

Ah oui, il s’en souvenait maintenant ! A présent, il avait un compagnon de route. Un compagnon de dix ans environ qui avait pris l’habitude de l’appeler grand-frère. Même s’il ne savait pas exactement ce que «grand-frère » signifiait, il aimait être appeler ainsi par l’enfant et bien souvent, il lui répondait en l’appelant « petit-frère », se prêtant au jeu. Et pourtant quelque chose d’autre avait changé…

-Eh, Lame! S’écria Tim devant l’air absent de son compagnon, tu m’écoute, quand j’te parle !

Ha, oui, c’est vrai, il avait un nom …
Il se tourna lentement vers l’enfant, lui adressant un grand sourire. Un sourire, d’ailleurs qui ne ressemblait pas tout à fait à un sourire, mais bon, Tim s’en contenta : il savait que le loup-garou n’avait jamais vraiment réussi à sourire…

-Lame, commença l’enfant. Comment t’es-tu blessé à la jambe ?

Lame regarda sa jambe blessée, cette jambe qu’il ne cessait de traîner tel un boulet, les ralentissant tous deux…
Comment s’était-il fait cette blessure ? Il ne se le rappelait plus ou plutôt ne voulait plus se le rappeler. Mais, pourquoi ? Il se souvenait d’une main, les doigts crispés sur le manche d’un couteau, la main s’était levée, une fois, deux fois…Le faisant à chaque coup de couteau hurler de douleur. Il secoua vivement la tête comme pour chasser cette atroce vision.

-Pourquoi ne veux-tu jamais rien me dire s’indigna Tim. Tu ne me fais toujours pas confiance ?

Lame se tut, il ne disait rien car cela l’obligeait à se rappeler…

-Lame, s’écria Tim, excédé. Répond quand j’te parle !

Lame s’arrêta, il attrapa Tim par les épaules, le regardant droit dans les yeux, il déclara en grondant :

-Si je ne te dis rien, Tim, c’est parce que je ne le peux pas !

-Ben voilà, dit simplement Tim en souriant. Franchement, je préfère te voir avec ton habituel caractère de cochon…

Lame sourit à son tour, à sa façon, bien sûr. Entre eux, les disputes ne duraient jamais
bien longtemps…

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-J’ai faim, se plaignit Tim.

Quelques heures s’étaient écoulées depuis leur dispute de la matinée. Il devait être environ midi, à présent.


-T’as de la chance, fit Lame en humant l’air. Je sens l’odeur du chaume et du torchis pas loin, mais pas d’odeur humaine. Sûrement une maison abandonnée…

-Y aura peut être à manger, espéra Tim à voix haute.

Lame acquiesça.

Lame ne s’était pas trompé : ils n’eurent aucun mal à trouver l’ habitation en question, sa porte ne tenant plus sur ses gons et ses fenêtre brisées indiquaient que la maison était bel et bien abandonnée.

Le loup-garou sortit son couteau de chasse, tendis que l’enfant décrocha de sa ceinture le lance-pierre que Lame lui avait taillé. Bon nombre de petits animaux se réfugiaient dans ce genre de masures laissées à l’abandon. Lame et Tim, ne possédant pas d’autres armes qu’un lance-pierre et un vieux couteau de chasse rouillé, ne pouvaient se permettre de chassé le gros gibier.

Ils entrèrent sans un bruit. Ils arrivèrent tout d’abord dans une pièce carrée. En son centre reposait une petite table où était posé un bouquet de fleures fanées. Une marmite vide pendait mollement au-dessus des restes calcinés de ce qui étaient au par-avant du bois.

-Rien à se mettre sous la dent, fit remarquer Tim en un soupir.

Ils passèrent donc dans la seconde pièce. Celle-ci était plus petite, un petit lit encore défait traînait au fond de la pièce. Il y avait également une table basse dans un coin de la pièce, sur laquelle était posé un…

-Une souris ! Souffla Tim en tirant sur l’élastique de son lance-pierre.

Lame l’entendit à peine, quelque chose d’autre avait attiré son attention : sur la table basse était posé un bien étrange objet. C’était un objet de bois, de longues cordes le traversaient presque entièrement d’un bout à l’autre. L’objet avait un peu la forme d’un tronc humain prolongé par un long cou. Au coté de l’objet était posé un bâton presque aussi étrange, lui aussi traversé par des fines cordes, beaucoup plus nombreuses, qui étaient en fait du crin de cheval. Lame était persuadé d’avoir déjà vu cet objet quelque-part, peut être l’avait-il même déjà pris en main. Si seulement il pouvait se rappeler son nom. Il le prit délicatement l’objet, au passage il fit tomber une petite boite métallique. Elle s’écrasa sur le sol avec un fracas assourdissant, ce qui fit sans doute fuir la sourit, car il entendit Tim poussé un juron. Lame ne s’en préoccupa pas, il se rappelait presque du nom de l’objet.

-V…Vi…VIOLENT, s’écria t’il, sûr de son coup.

-Violon, corrigea Tim, excédé. Lame, tu as fait fuir ma souris !

Violon ! Voilà le mot qu’il cherchait. Tout d’un coup, il se souvenait de doigts noueux, ponçant la surface lisse de l’objet, fixant avec délicatesse les cordes d’un bout à l’autre de l’instrument. Il se rappelait aussi l’avoir tenu en main, peut être en avait-il même déjà joué.

Il prit ce qu’on appelait « archet » au creux de sa paume et mit le violon contre son menton. Il se mit à jouer. D’un coup toutes les notes lui revinrent en mémoire : si bémol, fa dièse, do, ré, mi et toute les autres également, s’interposant dans sa mémoire dans ce qui avait été au par-avant, un trou béant de son passé.

La mélodie se déversa en lui, résonnant dans la petite maison et ses alentours tel une vague de bonheur que la forêt n’avait plus connu depuis longtemps. Tim le regardait d’un air émerveillé. Tout deux espérant que jamais cela n’en finisse…
Pourtant, Lame fut soudainement contraint de s’arrêter, revenant à la dure réalité de la vie. Ils avaient entendu une porte s’ouvrir, ensuite le son de pas traînant sur le carrelage. L’enfant et le loup-garou se retournèrent d’un bloc, leurs mains crispées sur leurs armes très peu élaborées…

Une voix…
Qui avait demandé s’il y avait quelqu’un…

C’était une voix féminine. Qui devait appartenir à une jeune personne. A en juger par les apparence, Lame présuma qu’elle ne devait pas être bien méchante. Tim et Lame se regardèrent un moment en silence.

-On fait quoi ? Souffla Tim.

Lame ne répondit pas, d’un pas nonchalant, il s’avança vers la porte. N’ayant nul but précis à l’esprit.

-Lame, qu’est ce que tu fous ? Protesta Tim. Elle est peut-être dangereuse !

Le loup-garou ne répondit pas, qu’elle soit dangereuse ou pas, il ne s’en souciait guère. De toute façon, ils n’avaient pas le choix. Il y avait bien une fenêtre dans cette petite pièce, mais si Tim passait sans problème, Lame resterait sans aucun doute coincé.
Ainsi, il posa sa main sur la poignée, il la tourna. Avec un grincement de protestation, la porte s’ouvrit. Le loup-garou se retrouva en face d’une jeune ange aux longs cheveux blancs et aux yeux rouge sang. Tim, à ses côtés lui adressa un regard courroucé auquel Lame fit mine de ne pas répondre.

-Je m’appelle Timber Wood, déclara Tim à l’ange. Lui, c’est Lame. A toi de nous dire qui tu est et surtout, ce que tu nous veux !

Le ton de la menace perçait dans sa voix enfantine…

Lame et Tim se regardèrent un moment, hésitant s’ils devaient oui ou non faire confiance à l’ange. Lame ne dit rien, il avait déjà accordé sa confiance. Mais il savait que Tim, qui avait toujours vécu avec les bêtes, n’accordait pas souvent sa confiance à un être de raison. Il finit sans-doute par accepter l’idée de faire confiance à l’ange car il lui adressa un grand sourire, éclairant son visage enfantin. Lame tenta lui aussi de sourire, espérant que l’ange devinerait ce qu’il avait essayé de faire.

Tim s’apprêta de dire à l’ange qu’elle se trompait, que lui et Lame ne vivait pas ici, quand soudain, la porte d’entrée grinça, encore. Une silhouette vêtue d’un manteau à capuche noir pénétra sans un bruit dans la petite pièce. Sa capuche était rabattue sur sa tête, si bien qu’on ne pouvait apercevoir son visage.

-Salut, camarade, siffla la voix d’un ton glaciale.

Cette voix…Lame l’avait déjà entendue quelque part. Mais où ?

-J’aurais reconnu cette mélodie entre cent autres, poursuivit l’homme. Tu ne t’es toujours pas amélioré, à ce que je voix, camarade.

Lame ne pipa mot, pourtant, il savait que s’était à lui que l’homme s’adressait.

-Alors camarade, on ne reconnaît plus ses vieux amis ?

L’homme leva une épée, au même moment, sa capuche retomba sur ses épaules, découvrant son visage.
Ce visage…Lame s’en souvenait. Il se rappelait d’un visage enfantin, il lui souriait et l’avais appeler « camarade ».

-Lame, souffla Tim à ses côtés.

Il se souvenait du même visage, une dizaine d’années plus tard, un visage en larmes…Mais pourquoi ?

-Lame, gémit Tim à nouveau.

Cette fois, Lame se tourna vers l’enfant.

-Cet homme est fou, s’épouvanta Tim. Il nous tuerait, tous…Je le vois dans son regard.

Le loup-garou se tourna vers Azura, ensuite il regarda Tim. Il ne pouvait pas les laisser mourir par sa faute. Trop de gens étaient déjà morts parce qu’il vivait. Il ferma les yeux quelques secondes. Puisqu’il n’avait plus d’autre solution, il foncerait tête baissée…

Il courut, tenta de bousculer l’homme. Celui-ci, surpris, recula de quelques pas. Avec son vieux couteau de chasse, il n’avait quasiment aucune chance face à l’épée de l’homme. Il se rappelait que l’enfant avait souris, d’une voix douce il avait demandé « c’est quoi ton nom ? » Bien sûr, le loup-garou n’an avait pas « Tant mieux, camarade, avait répondu l’enfant. Moi non-plus j’en ai pas… » Il savait que l’enfant avait un nom, pourtant, il avait affirmé le contraire. Pourquoi ? Il l’ignorait, une chose était sûr, ce simple acte avait réchauffé son cœur de loup-garou. Depuis, ils étaient restés meilleurs amis. L’homme dressa son épée, Lame eut tout juste le temps d’arracher la porte dont les gonds cédèrent. Il para le coup mortel qu’avait tenté de lui assener son adversaire. Il se souvenait d’un visage en larme, il se souvenait de sang, beaucoup de sang. Jonchés sur le sol recouvert de sang, s’allongeaient deux masses inertes : Une femme et un enfant, méconnaissables. L’homme s’était levé et avait crié « j’te tuerai, camarade, j’te l’jure ! »

Lame repoussa l’homme à l’aide de son bouclier improvisé. Ils étaient à présent à quelques mètres l’un de l’autre. Lame devait sans-doute battre l’homme, s’il voulait éviter que Tim et Azura ne meurent. Pourtant il ne désirait pas que l’homme meurt… Non, il ne fallait absolument pas qu’il meurt.

-Alors, camarade, persifla l’homme, t’as toujours pas compris que c’est perdu d’avance ? T’es toujours aussi lent d’esprit, à ce que je vois. Il suffit de

regarder nos armes pour deviner qui mourra…
Soudain, l’homme frotta son front, comme si un insecte l’avait piqué.

-Peu importent les armes, s’écria Tim. Seul le courage compte !
A ses cotés, Tim tendait l’élastique de son lance-pierre au maximum.
« Il est trop tard, pensa Lame, il m’a déjà rattrapé… »

Lame et Tim regardèrent tout-deux le filet argenté de l’ange avec émerveillement. Jamais ils n’avaient vu chose pareille. Dans leurs deux existences solitaires, ils n’avaient même jamais croisé d’ange avant Azura. Ils ignoraient que des créatures puissent avoir un tel pouvoir…

Tim se baissa pour ramasser l’épée que l’homme avait perdue lorsqu’il s’était fait prendre dans le filet d’Azura. Il put à peine en soulevée la pointe du sol, tellement l’arme était lourde. Il donna l’arme à Lame qui n’eut aucun mal à la tendre vers le ciel pour la regarder à la lumière du jour. C’était une épée assez modeste, bien forgée et entretenue.

L’enfant et le loup-garou se regardèrent un moment avant d’acquiescer, d’un air entendu. Lame se tourna vers l’homme et déclara :

-Je suis désolé, camarade.

-Ta gueule ! Hurla l’homme, une lueur de folie dans le regard.

De la folie ? Non ! Cette fois-ci, un tout-autre sentiment se lisait dans son regard. Qu’était-ce ? De la tristesse, peut être…

-Libère-moi, enfoirée, cria l’homme, s’adressant cette-fois à Azura.

Il se débattait violemment, en vain. Dans son regard, une folie rageuse se laissait à nouveau facilement identifier.

-Tu peux le libérer, je pense. Déclara Lame d’un ton las.

Après quelques minutes, l’homme était libre. Lame se forçait à le regarder en face, même s’il aurait préféré détourner le regard, même s’il aurait préféré ne pas se rappeler pourquoi l’homme lui en voulait. Le loup-garou s’attendit à ce que l’homme recommence à combattre, pourtant celui-ci éclata d’un rire strident, vrillant l’air de toute sa mélodie sanglante.

-Alors, camarade, tu ne te bas plus, à présent ? Tu es pourtant en position de force maintenant.

Lame se tut, il n’avait rien à rajouter là dessus. L’homme poursuivi.

-De toute façon, je ne comptais pas te tuer maintenant. En fait, je pense que tu n’as pas encore assez goûté à….

L’homme fit une pose, tel un acteur qui aurait oublié sa réplique.

-Comment appelle-t-on cela, déjà ? Ha, oui je me rappelle maintenant, du bonheur, c’est bien ça ? L’homme poursuivis n’attendant pas que Lame réponde à sa réplique. Je veux que tu connaisses le bonheur à son apogée, je veux que tel un ivrogne, tu ne saches plus t’en repaître. Je te souhaite tout le bonheur du monde, camarade ! Pour ensuite te l’arracher comme tu as fait avec moi il y a quelques années !

Sur ces mots l’homme s’éloigna entre les arbres, sans se retourner.

Lame resta figé quelques instants, tétanisé sur les mots que l’homme avait prononcés.

Lame regarda l’ange, à vrai dire, il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle était si gentille avec eux. Car cela, était bien de la bonté, il le savait. Des personnes comme Azura, il n’en avait pas connu beaucoup. Il lui était extrêmement reconnaissant mais ne savait pas exactement comment l’exprimer.

-Merci, fit-il en un sourire maladroit.

Il avait commencé à pleuvoir, à présent. Tim lui sourit, il était exténué et de grandes cernes violettes se marquaient sous ses yeux fatigués.

Soudain, il fut pris d’effroi, entre les nuages pourpres du crépuscule apparaissait déjà une lune d’été, ronde, complètement pleine. Lame regarda Tim, lui aussi l’avait vue. Ils ignoraient combien de temps l’enfant pourrait retenir le Loup-garou, il ne lui restait presque plus d’énergie et retenir Lame en demandait bien trop.

Lame ferma les yeux, il sentait un long hurlement de loup lui brûler la gorge, ne demandant qu’à en jaillir…

Il hurla et puis…

Tim fixa un instant le regard ambré de Lame, ensuite il regarda Azura. Tendis que l’ange s’efforçait de maintenir la cage, il s’avança vers le loup-garou, espérant calmer celui-ci.

-Lame, souffla t’il.

Lame se jetait férocement sur les barreaux de la cage, il n’avait plus rien d’humain. L’enfant finit par capter le regard du loup-garou, celui-ci se calma un instant, une fureur noir brillait dans son regard de loup. Tim approcha sa main de la bête, il effleura l’énorme museau de son ami, son frère. Il ignorait s’il allait savoir le retenir aujourd’hui. Il n’avait aucun mal à communiquer avec les autres animaux, mais si Lame n’était pas tout à fait humain, il n’était pas tout à fait animal non plus et Tim avait parfois du mal à lui transmettre ses pensées. L’enfant n’avait jamais rien dit à son ami, de peur de l’inquiéter, mais il avait failli mourir lors de leur première rencontre. Par la suite, la bête s’était habituée à sa présence et il ne risquait à présent plus rien.

Cependant, Lame et lui ne s’étaient jamais retrouvés en présence d’une autre personne pendant une nuit de pleine lune et dans le regard du loup-garou, Tim ne lisait plus qu’une seule chose : «Tuer ». Sous cette forme, Lame était incapable de réfléchir et ne comprenait pas pourquoi il étain enfermé, il était furieux. Tim, la main toujours posée sur le museau de la bête, profita du peu de temps qu’il leur restait pour tout expliquer à l’ange.

Déjà la lumière de la cage s’estompait pour ensuite complètement disparaître, le loup-garou était libre. Il repoussa violemment Tim sur le côté et s’approcha de l’ange, toujours la même lueur rugissante dans le regard : « Tuer »…

Tim regardait horrifié la scène qui naissait devant ses yeux, mal à l’aise, il se concentra sur le regard ambré de Lame : Le loup-garou était furieux, il ne désirait qu’une seule chose : mettre en charpie l’autre loup qui se trouvait devant lui. Il se ravisa, il ne pouvait pas tuer un autre loup-garou. Il grogna : « qui est-tu ? » L’autre ne répondit pas, de toute évidence, il n’avait pas compris. Il fonça tête baissée sur son ennemi avec une violence inouïe, le renversant. La bête au pelage blanc ne bougea pas d’un pouce. C’est à ce moment qu’il croisa le regard de son adversaire, il remarqua qu’il n’avait pas le regard ambré des loups, mais bien deux yeux aussi rouge que le sang. Cela était impossible ! Il rugit, bondit en avant, s’apprêtant à mordre, quand soudain un cri jailli dans la nuit. Un cri humain, il se retourna vers l’endroit d’où le cri avait surgit, il reconnut le jeune humain qui l’accompagnait lors de ses chasses nocturnes. Il montra les crocs, s’apprêtant à mordre s’il le fallait. Que pouvait bien vouloir ce gosse pour l’interrompre dans son combat ?
-Lame…
C’était comme ça qu’il l’appelait, sans doute encore une de ces lubies humaines…
Il lui lança un regard en coin, mais que voulait-il donc ? « Ne la tue pas… », il avait parlé avec son regard. Pourquoi diable ne devrait-il pas la tuer ?! Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire si elle mourrait ou pas ? « Ne la tue pas… » répéta le jeune humain. Le loup-garou grogna, si elle devait mourir ou pas, c’est le destin qui devrait en décider, et non un gosse d’humain, seule la loi du plus fort comptait ! Il s’approcha de la louve, déjà le délicieux goût de la chair lui hantait le palais...

Le combat faisait rage sous la pluie battante. Les deux énormes bêtes s’entretuaient, toute griffe dehors. Tim ne savait que faire. Sous cette forme, Lame était incapable d’entendre raison… Mais que faire, alors ?
Soudain, il eut une idée, une idée complètement dérisoire, mais une idée quand même ! Mais il devait tout d’abord attirer l’attention du loup-garou. Il cria :

-Eh, Lame !

Mais Lame resta planté là, fixant le loup blanc droit dans les yeux, ne prêtant nullement attention à l’enfant. Tim jura, il devait arrêter Lame au plus vite, il devait tenter le tout pour le tout ! Tim hurla, essayant d’imiter un hurlement de loup. Cela n’était pas très réussit, sa voix rendue sèche par la pression ne porta pas très loin, pourtant, le loup-garou se retourna de son adversaire pour fixer le garçon dans les yeux : Quel était ce bruit absurde ? Lorsqu’il si retourna, il ne fut guère étonné de reconnaître l’enfant, se plongeant dans son regard. Il désirait lui dire quelque chose. Il se concentra sur les yeux de l’enfant. Comment ? Avait-il bien compris ? Ce gosse lui avait-il vraiment demandé s’il désirait aller chasser ? Cela ne se pouvait, c’était bien trop absurde… Pourtant, c’était bien ce que l’enfant avait dit. Ah bah, les humains étaient tous comme ça, illogiques et complètement irrationnels ! S’il désirait chasser, il n’aura qu’à y aller seul ! Il se retourna vers l’étrange loup aux yeux pourpres, s’apprêtant à poursuivre son combat, quand le jeune humain l’appela à nouveau. Ce que le gamin lui proposait était de plus en plus absurde ! Il voulait carrément que la louve au pelage blanc se joigne à eux pour chasser car soi-disant, ils attraperaient plus de proies. Ah, ces humains ! Ils ne pensaient décidément qu’à manger ! De plus en plus déconcerté, il se retourna vers son adversaire, prêt pour le combat. Mais l’enfant l’appela une troisième fois. Ah, ce coup-ci s’en était trop ! Furieux, il se retourna vers le garçon pour lui grogner un bon coup de se taire ! Mais lorsque le loup-garou fit face à l’enfant, celui-ci tenait un objet tendu vers lui. Sans crier gare, l’élastique du lance-pierre se détendit et un petit caillou se ficha droit dans l’œil gauche de la bête. Enragé, il se retourna vers le jeune humain qui se mit à courir. Le loup-garou fusa à sa poursuite, ralentit néanmoins par sa patte blessée…

Tim n’avait pas compris ce que les deux bêtes s’étaient dit, toutes-deux avaient parlé en langage loup, il se concentra sur le regard de Lame : Comment osait-elle lui conseiller d’abandonner ? Les loups-garous n’abandonnaient jamais ! Il se redressa et s’avança lentement vers l’étrange loup. Et puis, comment pouvait-elle dire qu’il n’avait pas mérité ce qu’il lui arrivait ? Qu’est-ce qu’elle en savait ? Il fonça tête baissée sur son adversaire et d'un violent coup de patte, il lui lacéra la joue gauche.
« Tais-toi ! Tu ne peux savoir ! Je n’abandonnerai pas un combat ! »
Pourtant, quelque chose en lui ne désirait pas qu’il se batte, quelque chose en lui lui disait d’abandonner. Mais pourquoi ? Soudain, un flot de souvenirs lui revint en mémoire, des souvenirs qui ne ressemblaient pas à des images, ils ne ressemblaient d’ailleurs ni à des sons, ni a aucunes odeurs dont il se souviendrait. Qu’étais-ce alors ? Cela ressemblait beaucoup à de la haine ou de la rage, mais s’était différent… Ce dont il se souvenait, il le ressentait mais il était incapable de mettre un nom sur cette marée de sentiments.

Tim ferma les yeux. Il savait bien que le loup-garou, qui n’avait jamais su avoir d’autres emotions que de la haine et de la rage, ne pouvait comprendre ce qu’il lui arrivait. Pourtant, c’était bien des sentiments d’amitié, d’affection, de respect et même de reconnaissance qui envahissaient la bête. Tim lui-même ne comprenait pas, il était pourtant persuadé qu’un loup-garou était incapable d'éprouver de tels sentiments…

Il vit Lame s’effondrer, il leva les yeux pour découvrir que la lune disparaissait d'entre les nuages affin de laisser place à une aube aux magnifiques couleurs orangées, le calvaire était fini…

Tim s’accroupit, il était seul à présent dans l’immensité de la forêt, l’ange et le loup-garou étaient touts deux allongés sur le sol, inconscients.

-Je…je ne suis pas guérisseur, moi…Souffla Tim en prenant sa tête entre ses mains.

C’était vrai, il avait beau toujours avoir vécu dans la nature, il ne connaissait absolument rien en ce qui concerne les plantes médicinales. Il s’assit aux côtés de Lame. Il était seul, c’était le bon moment pour réfléchir à tout ce qui s’était passé. Pourquoi ? Pourquoi Lame avait-il ressentis tout ces sentiments ? C’était impossible ! Un loup-garou n’était pas assez humain que pour accomplir un tel « exploit » ! Serait-ce probable de… ? Non impossible… Il était complètement impossible de guérir de la lycanthropie. Mais peut-être…Si seulement il pouvait trouvé d’autres loups-garous, peut-être pourrait il en savoir plus… Il secoua la tête, il devait garder cela pour lui, surtout ne pas parler à Lame de ses doutes…Il ne voulait pas lui donner de faux espoirs.

Il resta là sans rien faire, de toute façon il ne pouvait absolument rien faire, juste attendre, son incapacité à agir et à aider Azura et Lame le rendant malade…

Il ne fallu que très peu de temps a Azura avant de s'éveiller de nouveau, faible, mais bien vivante. Elle avait toujours mal a sa joue, mais ça semblait s'être atténué. Légèrement soulagée, elle se redressa et alla rejoindre Tim pour le soulager de son angoisse.

-Tu peux m'aider si tu veux. Je vais essayer de le sortir des limbes, mais je n'y arriverai pas seule. Je suis trop faible. Tu veux bien me prêter main forte? fit-elle gentiment en posant une main douce sur l'épaule du garçon.

Puis, elle se tourna vers Lame et alla s'asseoir près de lui pour poser une main sur chacune de ses blessures, les soignant une a une. Cela lui drainait son énergie, mais pas autant qu,elle l'aurait crut. Elle fit alors de nouveau face a Tim.

-Si tu arrivais a trouver de l'eau et a en ramener ici, ce serait bien... murmura-t-elle lentement avec un sourire bienveillant et protecteur.

Lorsque Lame se réveilla, il se retrouva aux côtés d’Azura, Tim quand à lui n’était plus là. Il apprit par la suite que l’enfant s’en était allé chercher de l’eau. Le loup-garou se rendit compte avec stupéfaction que ses blessures étaient guéries. Il avait une énorme dette envers l’ange… En effet, depuis le début, elle n’avait cessé de leur sauver la mise à lui et à Tim et à présent, elle le guérissait de ses blessures. Son énorme gratitude, il l’exprima en un seul et unique mot :

-merci…

C’était un mot bien modeste pour exprimer toute sa reconnaissance, mais son vocabulaire ne s’étendait pas jusque là, ou du moins il ne trouva guère d’autre mot sur le moment. Pour la remercier, il lui proposa de soigner ses blessures, il avait quelques connaissances dans le domaine des plantes médicinales. En tout cas, il savait au moins confectionner un cataplasme aux herbes et préparer un anti-douleur. Il avait appris cela, il ne se rappelait plus où… Il trouva sans trop de difficulté les plantes dont il avait besoin. Entre temps, Tim revint avec deux seaux qu’il avait trouvé dans la maison, tous deux remplis à rebord. Lame s’en servit pour laver la blessure de l’ange. Il posa ensuite un cataplasme à l’aloe vera qu’il s’était accommodé de faire tenir avec du lierre et de l’écorce. Ce qui donna au final, une sorte d’énorme pansement hideux que l’on pouvait facilement confondre avec un engin de torture.

-Lame, t'es vraiment un barbare ! Explosa Tim.

Avec l’aide de Tim, Lame confectionna un nouveau pansement grâce à des morceaux de peau de lièvre restant de leur dernière chasse, bien entendu désinfectés avant l’usage. Ce qui était, évidemment, bien plus discret que le bandage précédent…

Lame sourit à l’ange, espérant avoir réussi à l’aider un peu tout de même…

Reconnaissante, Azura inclina légèrement la tête en souriant à son tour. Elle était vraiment touchée par l'attention des deux garçons. Ses yeux rouges scintillaient d'un éclat étrange qui exprimait à la fois grattittude et amusement. Ces deux-là formaient un drôle de couple, décidément. Elle fixa un instant le bandage qu,elle effleura du bout des doigts, doucement.

-Je suis contente d'avoir put aider, affirma-t-elle en s'entourant de ses ailes blanches.

En un sens, elle était contente que la nuit se soit déroulée ainsi. C'était la première fois qu'elle voyait un loup-garou - ou qu'elle en combattait un, dans ce cas-ci - et elle avait tenu toute une nuit. Elle était heureuse.

-Vous savez, je pense que c'est une bonne chose que nous nous soyons recontré, dit-elle avec un air pensif sur le visage, souriant toujours légèrement.

Sans rien dire de plus, son attention se tourna vers son protégé.

Lame sourit, il était un peu surpris des paroles de l'ange, même si cela lui faisait très plaisir... En générale, les gens ne considéraient pas leur rencontre avec un loup-garou comme une chance... En fait, ils avaient rarement le temps de considérer quoi que ce soit...

-Lame... J'ai faim ! Se plaignit Tim...

Le loup-garou fronça les sourcils, cet enfant ne pensait décidément qu'à manger ! Lame ramaça l'épée de l'homme... Cette épée devait avoir un nom, s'il voulait la faire sienne. Il réfléchit un instant avant de proclamer à voix haute :

-Menyesal, tel sera le nom de cette lame...

-Ah, Lame ce n'est qu'un objet ! Tu n'as quand même pas besoin de lui donner un nom !

Lame fronça à nouveau les sourcils, il avait envie de donner un nom à cette épée... Il ne savait plus trop pourquoi... Sans doute à cause de toutes ces histoires de chevaliers qu'il avait lu dans son enfance... En avait-il seulement lu ? Il n'en était plus sûr...

-T'as faim, toi aussi ?

Demanda Lame à l'ange d'un ton un peu bourru...